Microbiote et antibiorésistance

Microbiote et antibiorésistance : la mauvaise collaboration

Les antibiotiques ont non seulement une action délétère sur le microbiote mais peuvent aussi à plus ou moins long terme créer une antibiorésistance. Cette antibiorésistance peut être le fait du microbiote qui est lui-même composé d’une multitude de bactéries. Ce serait donc, les bactéries qui auraient trouvé le moyen de se défendre contre leur agent destructeur, l’antibiotique. Microbiote et antibiorésistance, explications.

Microbiote et antibiorésistance : quand les bactéries se rebellent

Lorsque notre organisme est attaqué par une bactérie, c’est notre système immunitaire qui se charge de nous en débarrasser. Cependant, notre microbiote intestinal est composé majoritairement de bactéries. Notre système immunitaire qui est chargé de lutter contre les bactéries semble donc accepter les bactéries du microbiote et en même temps reconnaître et éradiquer celles qui sont pathogènes. Il existe donc bien une relation entre bactéries et organisme-hôte qui permet la survie des deux.

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Virus versus bactéries

Philippe Glaser

nous rappelle qu’il y a une différence entre les virus et les bactéries. Un virus est responsable d’une infection, on s’en débarrasse avec un antivirus. Les bactéries sont présentes partout sur notre corps, nous en avons dans la bouche dans l’intestin… Prendre un traitement d’antibiotiques contre une infection ne supprime pas une infection, « les antibiotiques n’auront pas d’effet sur l’infection mais vont avoir un effet collatéral et s’attaquer également à la flore intestinale. ». Et second effet, en s’attaquant à des bactéries moins résistantes, les antibiotiques favorisent la prolifération de bactéries plus résistantes qui sont « difficiles à traiter et qui demandent des traitements plus longs avec plus d’effets indésirables et une mortalité augmentée. »


Défense du microbiote

Le microbiote, ou plus exactement les bactéries qui le composent, ont deux mécanismes de défense. Tout d’abord, elles profitent d’une mutation de leurs gènes qui leur donne la possibilité de résister à un agent comme l’antibiotique.

En effet, les bactéries qui composent notre microbiote ont un rythme de multiplication élevé. Lorsqu’une cellule bactérienne est placée dans un milieu de culture convenable, elle augmente de taille puis se divise en deux cellules. Ces deux cellules font de même, et les quatre cellules également. « Les bactéries ont (…) un rythme de multiplication si élevé, pouvant à chaque génération provoquer des mutations aléatoires, que les chances que quelques-unes d’entre elles acquièrent par accident la capacité de résister à un antibiotique est mécaniquement élevé. ».

Lorsque nous prenons un antibiotique chaque cellule en se divisant peut en créer une autre qui peut bénéficier d’une mutation qui la prévaut contre l’action d’un antibiotique. « Notre flore peut, comme les autres bactéries, acquérir une résistance. Excrétées par les selles, les bactéries de notre flore se retrouvent ensuite au contact d’autres types de bactéries, potentiellement dangereuses… Auprès desquelles elles pourront disséminer cette résistance. »

Deuxième possibilité, les bactéries intestinales utilisent les compétences d’une autre bactérie pour se protéger d’un antibiotique. « Ainsi, une bactérie sensible à un antibiotique pourra acquérir le gène de résistance auprès d’une de ses congénères déjà résistante. ». C’est ce que les biologistes appellent le mutualisme, c’est-à-dire « une interaction entre 2 espèces qui vont tirer toutes deux 2 profit de cette relation. »

Antibiorésistance : quand les bactéries font de la résistance

Le mutualisme, un fait de laboratoire

Pour l’instant, le mutualisme n’a été exploité qu’en laboratoire par une équipe de chercheurs britanniques. Mais cette relation montre bien l’interdépendance qui existe entre l’hôte et les bactéries. L’hôte, c’est-à-dire notre organisme, et la bactérie ne peuvent survivre l’un sans l’autre. « L’hôte bénéficie de la protection de certaines bactéries et les bactéries bénéficient avec l’hôte d’un environnement de vie propice à leur survie. ». C’est ainsi que s’opère un échange de bons procédés. « Les microbes peuvent travailler avec leur hôte pour empêcher l’infection. ».

Les chercheurs britanniques vérifient cette idée sur un ver à qui ils ont implanté une bactérie intestinale « susceptible de le protéger contre une infection bactérienne plus pathogène. ». Les observations montrent qu’après quelques semaines d’évolution, le ver et la bactérie ont « forgé une alliance mutuellement bénéfique qui les protège notamment tous deux des attaques des parasites. ».

Une protection mutuelle

La protection de l’hôte par le microbe et inversement n’est pas un fait nouveau, les chercheurs le connaissent déjà. Cependant, cette étude montre un fait plus nouveau, chacun évolue pour permettre à l’autre de survivre. Ainsi, « Les bactéries ont évolué pour devenir plus protectrices, et à leur tour, les hôtes ont évolué pour autoriser une colonisation plus importante par la bactérie E. faecalis. »

Cette évolution qui se fait en fonction de l’autre ne doit être ni trop agressive ni trop faible, « si la protection est trop faible, il y a peu d’avantages pour l’hôte à héberger la bactérie, mais si la protection est trop élevée, d’autres microbes peuvent être éliminés, ce qui élimine le besoin de protection. »

Certains médicaments en cause dans l’altération du microbiote ?

Sources

– INRA, « Colloque interministériel antibiorésistance : enjeux et besoins en recherche et innovation »,
– 
Charlotte Rafaluk‐Mohr et al., « Mutual fitness benefits arise during coevolution in a nematode‐defensive microbe model », Evolution Letters, mai 2018,
Sciences et Avenir,
Santé Log.

Toutes les citations concernant l’antibiorésistance du microbiote sont celles de Philippe Glaser, directeur de recherche de l’unité « Ecologie et Evolution de la Résistance aux Antibiotiques » à l’Institut Pasteur pour Sciences et Avenir. Quant à celles sur le mutualisme, vous les retrouverez sur le site Santé Log.